La vidéo sur Internet, un domaine qui ne cesse d’innover
Pensiez-vous avoir fait le tour de la vidéo en ligne ? Croyiez-vous que tout avait été déjà fait ou inventé et que ce domaine n’apporterait rien de nouveau ? Et bien, les exemples de Léman Bleu et de la couverture des attentats de Paris vont vous prouver que vous aviez tort.
La télévision régionale genevoise Léman bleu a pris le pari de tourner ses sujets uniquement sur des iPhones. Les journalistes, munis d’un micro, d’un iPhone et d’une perche, peuvent ainsi tourner des images, les transmettre ou faire une interview de façon totalement autonome. Les avantages sont évidents, le tout premier, sans doute le principal, étant la réduction des coûts. En effet, il faut compter environ CHF 600 à CHF 800 pour un Smartphone, une perche revient à une vingtaine de francs, et un micro peut coûter entre CHF 50 et CHF 200 pour un modèle de qualité suffisante. Sans parler de l’autonomie qui a aussi une incidence sur les coûts puisque le JRI (journaliste reporter indépendant) peut assurer tout seul la couverture en images. Plus besoin de cameramen ni de preneurs de son. Il n’est pas rare d’ailleurs de voir sur les ondes de la télévision genevoise des retransmissions en direct faites uniquement avec ce setup très léger.
Côté technique, si il existe une pléthore de solutions pour des transmissions via satellite ou réseaux câblés, la transmission directe a aussi un impact sur les coûts pour les télévisions. Avec l’avènement de solutions telles que Skype ou Periscope, la transmission vidéo à partir d’un smartphone démocratise la diffusion. On le comprend, la décision prise par la direction de la télévision Léman bleu est à la fois stratégique et pratique. Là où un journaliste devait partir avec plusieurs kilos de matériel, voici que sa caméra tient dans sa poche. Il suffira ensuite de quelques minutes tout au plus au journaliste pour se tenir prêt à couvrir un événement ou une interview et à le transmettre en direct.
Cette logistique change également le rapport entre le journaliste et son sujet. Être face à une équipe composée de trois personnes avec caméra et perche peut être plus intimidant que face à une seule personne tenant le même téléphone que vous.
Quid de la qualité des images ?
Certes, il y a encore des progrès à faire en la matière et les fonctionnalités proposées par un téléphone portable ne sont pas encore comparables à celles d’une caméra professionnelle. Mais la souplesse et les avantages qu’offre cet outil peuvent compenser ses défauts. Pour preuve, cette solution commence à faire des adeptes, à l’instar de Tim Cook, CEO d’Apple qui, depuis son compte Twitter, a évoqué l’avenir de ses iPhones dans le monde de la télévision. L’innovation télévisuelle serait-elle en marche ? Il ne reste plus qu’à voir si le choix de Léman Bleu sera suivi par d’autres chaînes.
Le mobile, plus grand fournisseur de « User Generated Content »
L’acronyme UGC résume tous les contenus générés par le public. Les nouveaux outils permettent à tout un chacun de produire de l’information sans avoir à suivre de formation technique. Ainsi, chaque citoyen peut se convertir à tout moment en journaliste ou en producteur de contenu. Facebook, Instaura, YouTube ou Periscope, pour ne citer qu’elles, sont alimentées quotidiennement par des vidéos réalisées par des anonymes. Mais l’arrivée du public sur ce terrain est également en train de changer les règles du jeu.
On l’a vu lors des malheureux événements de Paris. Durant les diverses attaques du 13 novembre dernier, plusieurs badauds ou riverains se sont retrouvés au cœur de l’action. Poussés par la curiosité, certains se sont rapprochés, bravant les interdits de la police et équipés d’une seule arme, leur téléphone portable, et n’ont pas hésité à filmer. La plupart de ces cameramen en herbe a répondu qu’ils se trouvaient par hasard sur les lieux et qu’ils ont profité de leur présence pour immortaliser les scènes qu’ils voyaient.
Or, derrière cette curiosité un peu morbide se cachait souvent aussi un appât du gain, puisque la plupart de ces vidéos ont été vendues pour se retrouver sur les chaînes d’information continue qui, elles, avaient été interdites d’accès par les forces de police. La demande était telle que certaines séquences se sont vendues entre €200 et €500 les quelques secondes ou minutes, selon que l’on pouvait y apercevoir des victimes, des forces de police ou des terroristes. Chaque nouvelle technologie entraîne un comportement nouveau. Le citoyen « journaliste » a parfaitement intériorisé les lois du marché qui régissent l’univers de l’information. Puisque des journalistes font des reportages avec des iPhones, pourquoi tout un chacun ne pourrait-il pas vendre sa vidéo à une chaîne de télévision ? L’actualité n’est-elle pas la seule chose qui ait de la valeur ? Adieu forme, fond ou impartialité, ce qui compte c’est d’avoir ce que les autres n’ont pas. Cela ne peut laisser indifférents les professionnels des métiers de l’image. Le public s’est déjà habitué à voir des vidéos dont la qualité de montage est moindre. Il y a encore peu, aucune télévision n’aurait osé montrer les images rapportées par les amateurs qui se tenaient sur les lieux des événements. Désormais, elles les montrent (faute de mieux), et sont prêtes à les payer à bon prix. Cela aura des incidences dont nous ne mesurons pas encore la portée…